Dans la chambre il faisait sombre. Une lame éclatante fendit l’obscurité par la porte entrouverte. Il cria. Tout était si absurde, si improbable. Glycerine ne put s’empêcher de trembler. Les lames de ses maux balafra ses paupières en feu. Encombrée de mots elle hoqueta, la gorge en larmes. Ses mains s’agitaient creusaient tellement, creusaient dans un gouffre sans fond. Elle avait beau les enfouir sous des coussins elles continuaient, comme des insectes fous, à l’agonie de tressauter, de se contorsionner, de se tordre et de mordre les draps avec violence. Et ses oreilles, toujours ouvertes, engloutissaient des couleuvres ignobles sans pouvoir s’arrêter un instant. Il ne restait plus que lui : ils étaient tous partis tourbillonner autour de leur nombril en geignant à peine. Il n’y avait plus que lui, il était seul à s’acharner avec férocité, à lancer ses foudres pour la lacérer, elle, elle toute seule. Sans pouvoir exister. Il poursuivit son interminable marche, de long en large, qui hachait la lumière en petits éclats livides et insipides. Où était sa mère ? Sa mère ! Qui s’était pâmée avec une volupté grotesque dès les premières secondes, qui avait crié au parjure sans comprendre les syllabes qui étaient censées la remuer de l’intérieur. Avant de disparaître. Qui était-elle ? Elle avait tellement froid. Ils s’étaient cloisonnés dans leurs petits univers bien douillets, où nul ne pouvait les atteindre, hormis leur propre folie, dont ils ne pouvaient pas même imaginer l’envergure, car ils faisaient partie de la norme – la norme démentielle, la norme sacrificielle et délirante. Elle avait peur. Disparaître. L’horrible silence. La honte. L’affreuse cacophonie de ses pensées inaudibles, assoiffées. Le désir impérieux de se faire entendre sans pouvoir écouter. Il était parti, finalement. Il n’était plus là. Comme s’il n’avait jamais été là. Elle postillonna quelques suppliques amères et incohérentes. Un peu de lumière tailla son regard fou et humide en biseau. Elle éclata en sanglots qui ruisselèrent péniblement de sa bouche frémissante, semblables au flot bouillonnant de l’eau d’un caniveau. Elle tremblait furieusement, tellement que cela lui faisait mal. Elle mâchonna quelques paroles insensées sans pouvoir les cracher au visage de quelqu’un. Elle sentit son esprit se craqueler, se paralyser. Elle était horriblement nue. Brûlante d’une fièvre intolérable. Il cria, cria, cria… Le silence de sa souffrance s’amplifia, s’étira à n’en plus finir, ricocha dans les moindres recoins de son âme délabrée pour la punir, elle, sans relâche. Ce cri sans bouche était plus vif, plus affreux encore : il n’y avait plus rien pour le faire taire, ni la fatigue, ni l’ennui, ni le découragement, rien. Ne restaient que les pouvoirs magnifiques du néant pour le rendre toujours plus effroyable. Elle frappa ses draps moites et défaits de son poing fripé. Elle rampa sous sa couverture et se recroquevilla tel un cadavre.
Son visage était pire qu’un masque ; il était grotesque et malfaisant. Ses lèvres se transformèrent en une gueule gelée, écartelée. Sous ses yeux, tant d’eau, et ses doigts grouillaient, en perdition, dans les replis de sa peau palpitante. Lentement, très lentement, les spasmes s’estompèrent. Sa conscience fut réduite à néant. Elle sombra définitivement dans l’oubli.